Défendre l’indéfendable

La quête du juste et du bien a nourri la pensée humaine, oscillant entre lumière et ombre, vérité et doute.

Qu’est-ce que la moralité sinon ce fragile fil tendu entre nos convictions intimes et la réalité plurielle du monde ?

Peut-on, en toute conscience, défendre l’indéfendable ?

Cette interrogation, loin d’être purement rhétorique, touche au cœur même de la condition humaine, de la justice et de la fonction de l’avocat, ce médiateur en robe noire, silhouette chargée de symboles, héritier d’une tradition millénaire.

La moralité : boussole et limite

La moralité, à la fois guide et limite, s’impose à chacun comme une boussole intérieure. Elle naît de notre expérience, de notre culture, mais aussi de cette part d’universalité qui nous fait frères et sœurs en humanité.

Ce qui est bien ou mal, loin d’être des absolus figés, est le fruit d’un consensus mouvant, d’un contrat social tacite.

Pourtant, il arrive que nos opinions soient tranchées, comme sculptées dans le marbre, n’admettant ni nuance ni concession. Pourquoi ?

Parce que nous sommes porteurs d’une intelligence qui cherche la sécurité, la clarté dans un monde par essence incertain et que notre code génétique, ce pur miracle de la création, nous pousse aussi à la survie, à la défense de soi.

Mais ne sommes-nous pas, avant tout, des êtres en devenir, adaptatifs, capables de mutation selon notre environnement, notre entourage, notre histoire ?

C’est précisément dans cette complexité que s’inscrit la mission de l’avocat.

La place de l’avocat dans l’énigme morale

Depuis le XIIe siècle, l’avocat, ce clergé laïc, revêt la robe noire, fermée par trente-trois boutons en écho au Christ mort à trente-trois ans, incarnation du sacrifice et de la résurrection.

La robe n’est pas un simple habit : elle symbolise l’égalité devant la justice, un traitement impérialchaque homme, chaque cause, mérite d’être entendu.

L’avocat, en tendant la main, ne fait pas seulement acte professionnel, il incarne la noblesse du ministère, dérivé du latin minus, « inférieur », rappel humble qu’il est au service de tous, non au-dessus d’eux.

Dans cette perspective, défendre l’indéfendable n’est pas un paradoxe, mais un impératif moral et déontologique. Car la justice ne saurait être que l’expression d’un confort moral personnel, elle se nourrit de la confrontation des idées, des arguments, même des causes les plus difficiles.

L’avocat est le dernier rempart contre l’arbitraire, le garant que chaque voix puisse se faire entendre, que chaque défense soit mise à l’épreuve du droit et de la raison.

Il agit en prêtre laïc d’une vérité plurielle, conscient que dans l’ombre la plus obscure peut briller une lueur de justice.

Défendre la dignité même dans l’obscurité

Balzac aurait vu dans cet exercice une scène digne de ses grandes fresques humaines, où la complexité des âmes se mêle au tumulte des passions.

Robert Badinter y reconnaîtrait la défense inaliénable de la dignité humaine, même face à l’inacceptable.

Marc Bonnant et André Malraux, quant à eux, célébreraient la grandeur de la parole qui, à travers la robe, transcende l’individu pour embrasser l’universel.

Ainsi, la moralité n’est ni une cage ni une excuse, mais un chemin exigeant, semé d’incertitudes et de responsabilités.

Défendre l’indéfendable, c’est affirmer que l’humanité n’est jamais définitivement perdue, que la justice est une œuvre en perpétuel devenir et que la voix de lavocat, vêtue de sa robe sacrée est un appel constant à l’humanité partagée.

Le chardon, la plume et l’avocat

Fable sur la morale, la justice… et la robe noire.

Un fier Chardon, tout hérissé de piques,
Clama haut : « Je tranche, je pique, je réplique !
La vérité, c’est moi qui la défends,
À coups de ronces et de crocs tranchants. »

Passa la Plume, douce, légère,
Portée par le vent et un brin de lumière :
« Nul n’est tout à fait blanc ou tout à fait noir.
Même le jour cache une part de non-savoir. »

Le Chardon rugit : « T’es-tu perdue ?
Tu pardonnerais l’escroc, le parjure, l’ingrat ?
La justice, c’est trancher net, sans rature,
Pas écouter ceux qu’on traîne au bas ! »

Vint alors un Avocat, d’un pas feutré,
Vêtu de noir, le regard mesuré.
Il s’inclina, calme et sans fracas,
Et prononça, d’une voix basse mais droite :

« Défendre n’est pas excuser ni cautionner.
C’est entendre, c’est interroger.
Car juger trop vite, c’est planter dans la pierre,
Alors que la justice, même aveugle, doit rester fière.

Le bien et le mal ? Ce sont nuances.
Et le droit avance avec confiance. »

Le Chardon courba son orgueil de bois sec,
La Plume s’envola, paisible, sans hec.
Car souvent, entre l’ombre et la clarté,
Il faut écouter avant de trancher.

Morale de la fable

Celui qui juge trop vite fait taire ce qui mérite d’être entendu.

Et l’avocat, lui, ne justifie pas : il donne voix à l’humain qu’on oublie parfois. Adrian Vangheli-Stavila

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